mardi 29 décembre 2009

LA PORTE DE LA VILLETTE vue par Adeline



Pour moi, la Porte de la Villette, c’était avant tout : la Cité des Sciences, un grand espace vert, le Zénith. De la culture et de la verdure…
Mais ce jour-là, quand je sors du métro pour ma première ballade photographique, je découvre un capharnaüm kafkaïen. Avec ces barrières de chantier partout, ces matériaux entassés sur les trottoirs et la chaussée, j’ai le sentiment d’une prison dans la ville. Les passants serpentent dans ce gigantesque labyrinthe gris. Ainsi sonne l’heure du ravalement pour nos rues, nos trottoirs et nos égouts ; ainsi s’ouvre la voie du progrès avec la construction du tramway !
Sous le coup de cette multi-rénovation urbaine, il devient dur de ne pas se perdre en chemin. 
Des baroudeurs non avertis me demandent l’emplacement des nouveaux arrêts de bus. Je suis assimilée à une « ancienne du quartier » qui immortalise les changements. On me demande ce que je fais, pourquoi… Suis-je de la police ou une envoyée de la mairie qui vérifie l’avancée des travaux ? 
Certains passants ou travailleurs qui me parlent sont d’ailleurs le fruit d’une rencontre photographique. D’autres « miraculés de la ville » comme ce baroudeur a l’air familier du « Cochon serveur » savent agrémenter ma ballade d’une empreinte « Titi Parisienne » ! L’œil aux aguets et l’excitation de l’inconnu comme compagnons de voyage, je ne les laisse pas si facilement repartir dans l’immense jeu de l’oie de la Villette. 
Je poursuis l’aventure en arpentant l’emblématique Avenue Corentin Cariou, l’objectif rivé sur les anciens abattoirs de la Villette… Ici sonne l’heure du « Tango des Bouchers » comme le chante vigoureusement Boris Vian. 
Etalages de viande fraîche, têtes de veau et tabliers blancs aux tâches rouge sang titillent mon objectif. Toujours bien accueillie dans ces innombrables boucheries, je vois la vie en rouge ! Des rencontres qui m’encouragent et entretiennent le goût de l’agréable imprévu. 
Au fil des rendez-vous, ces rues noyées sous les vagues des travaux deviennent une riche source d’inspiration. Le capharnaüm Kafkaïen de la Villette a du caractère, une âme à part entière qui me poussent à poursuivre mon chemin de jour comme de nuit. Et dans le doux vacarme d’un soir, des amis savourent un dernier godet… 

Adeline Sureau

lundi 7 décembre 2009

LA PORTE DE CLICHY vue par Uriel



Mère de la Chapelle, Marraine de Clignancourt, Sœur aînée de Saint-Ouen et parente de bien d’autres, la Porte de Clichy est à l’image de sa famille populaire recomposée. Avec leurs âmes multicolores, chantiers d’envergure, bars et petits commerces en tout genre et leur carrefour « périfleurique », toutes offrent aux regards bienveillants une richesse inépuisable. Pourtant, si d’apparence elles se ressemblent, ce n’est qu’en écoutant vivre chacune qu’on peut en découvrir les facettes propres, ne serait-ce qu’une seule. Dans ma quête obsessionnelle, celle qui m’a touché chez Clichy, c’est sa « bruyante discrétion ».

J’ai ouvert la porte de Clichy plusieurs fois et de différentes manières. D’abord fermée à clé, je l’ai forcée, armé d’une excitation naïve et d’un appareil à la gâchette facile. Entre espionnage, imposture et prétention, j’en suis ressorti les poches pleines de clichés mais vide de sens. Alors la fois suivante, j’ai œuvré sans forcer, cherchant patiemment un de ses secrets et surtout le moment propice pour tirer son portrait, mais encore une fois… sans succès : trop refermée, trop sur le qui-vive, elle me boudait et mes photos aussi. J’ai digéré cette résistance, puis j’ai regardé à nouveau mes clichés et j’ai fini par comprendre que cette porte ne m’ouvrirait sans grincer que si l’errance était mon guide.
J’ai donc emprunté cette voie intérieure. Désormais fondu dans le décor, j’ai traversé, zoné, cherché à l’imiter et c’est dans ma propre solitude que j’ai trouvé l’affinité. Aussi esseulé que mes sujets, je les ai rencontrés sans paroles, sans sourire, transparent. Certaines photos en sont le témoignage, vous les reconnaîtrez…
Les autres ne sont pas une trahison et ne remettent en cause rien de ce que je viens de vous livrer. Au contraire, elles ne font que compléter cette partition. Certaines ont été prises au début de mon périple alors que mon regard flirtait sans estime et d’autres sont le reflet d’une assurance gagnée par un nouveau regard, averti et solidaire.

Cette série n’a pas pour ambition de cerner la Porte de Clichy mais de témoigner d’un voyage initiatique, infime et d’une rencontre éphémère, intime.

Uriel Jaouen-Zréhen